Que serait Aix-en-Provence sans ses multiples petites boutiques dont le charme et le cachet frappent tout visiteur ? Une ville éteinte, une ville fantôme. Le confinement de printemps nous en avait déjà donné un avant-gout. Les répercussions économiques sur ces espaces de vie et d’échanges avaient été colossales ; cette nouvelle mise sous cloche risque d’aggraver la situation. La plupart d’entre-elles sont détenues par des indépendants. Ils prennent de plein fouet ces nouvelles mesures.

Le soleil est sur le point de se coucher à Aix-en-Provence. Les passants contemplent avec peut-être encore plus d’émerveillement les couleurs rose thé et dragée du ciel. Les gens vont et viennent dans les rues. Tous savourent ces derniers instants en dehors de chez eux. Les exploitants de boutiques et leurs salariés se retrouvent devant les vitrines. Les débats portent sur la nouvelle tombée hier soir. Un second confinement rentre en vigueur dès vendredi.

Une situation qui exaspère les indépendants. Un spécialiste de l’ameublement ne souhaite même pas l’évoquer. Cette décision est trop difficile à accepter. « Comment allons-nous manger ? Comment allons-nous payer les études de nos enfants ? » s’interroge la propriétaire de la boutique de décoration Cerise-Café Créations, rue Paul Bert, dévastée. « J’en ai pleuré hier soir ». Cette gérante est à son compte. Les mois de novembre et décembre sont très importants pour l’ensemble des boutiques aixoises. Elle aurait préféré un couvre-feu de 17 heures à 6 heures du matin. Certes, il faut protéger la population, elle en est consciente et convaincue. Mais le choix du confinement la mine. Son émotion est palpable et contagieuse (elle aussi). Elle ne peut pas percevoir d’indemnité chômage. « J’ai fait le choix de ne pas toucher de salaire. Même dans cette hypothèse, il aurait fallu payer des charges. » Par ailleurs, les loyers sont particulièrement élevés dans le centre aixois. 2 050 euros par mois pour cette boutique. Le gouvernement propose une aide qui s’élève à hauteur de 1 500 euros pour ceux qui affichent une baisse d’activité de 50% sur un mois. « C’est insuffisant ». Quant aux charges sociales personnelles, leur paiement est différé mais pas supprimé. Il faut également payer le stock qui a été fourni en vue des fêtes de fin d’année …

« Soyons réalistes, nous n’avons pas beaucoup travaillé depuis le déconfinement ». Les touristes ont été bien moins nombreux cette année. Quelles solutions s’offrent à elle ? Faire un emprunt ? Impossible. On ne prête qu’à ceux qui ont la capacité de rembourser. Et un prêt garanti par l’Etat lui a déjà été accordé aux mois de mars et avril pour payer les stocks. Fermer la boutique définitivement ? Non, dans tous les cas, il faudra payer le bail commercial de 2 ans. « Nous n’irons pas au restaurant, nous ne ferons pas d’excès pour les fêtes. Nous voulons seulement travailler d’arrache-pied les 24 premiers jours de décembre. » Elle regrette que la voix des indépendants se fasse si peu entendre.

Quant à ceux qui vivent principalement de la vente de jouets, comment ont-ils accueilli la nouvelle ? C’est en effet une période clef pour ce secteur. « Durant l’été, nous avions réussi à rattraper les pertes liées au premier confinement. On appréhende beaucoup » nous confie une employée de la boutique Emilie and Compagnie. La TVA à verser en janvier est toujours d’un montant élevé. Mais l’heure est à l’adaptation. On ne se laisse pas abattre. Un site internet a vu le jour depuis le dernier confinement et de nombreux concours sont proposés sur Instagram. « Mais il n’est évidemment pas aussi performant que celui du grand concurrent Amazon » précise la gérante. La boutique cherche à agrandir sa communauté, à capter une nouvelle clientèle. On peut donc retrouver les jouets et peluches de la boutique en ligne. Cela demande un travail colossal en matière d’organisation. Avant le confinement, tous les produits ne se trouvaient pas sur le site. Désormais, aucun ne manque à l’appel. La commerçante espère qu’ils ne vont pas prolonger le confinement. « Sinon ce sera catastrophique. Si tout est fermé en décembre, on a peur que la plupart des boutiques aixoises n’existent bientôt plus ». En espérant que les nuages se dispersent vite pour ces commerçants.

Elisa Hemery