Les flocons tombent abondamment sur la vallée des Belleville en Savoie. Le balai des chasse-neige  laisse présager un flux incessant sur les 35km de routes sinueuses qui rejoignent Val Thorens, plus haute station d’Europe. Pourtant, alors que la saison démarre généralement autour du 20 novembre, il n’en est rien. « Il me semble impossible d’ouvrir (les stations de ski) pour les fêtes de fin d’année », déclarait Emmanuel Macron dans son allocution aux Français du 24 novembre.

Depuis, le Premier ministre Jean Castex était revenu sur cette déclaration, indiquant que les stations rouvriront à partir du 15 décembre. Seul bémol, et non des moindres, les remontées mécaniques, comme les bars et restaurants partout ailleurs en France, demeureront closes. « C’est un non-sens de dire que la station est ouverte si les gens ne peuvent pas skier. En général, on ne vient pas au ski pour compter les flocons », s’insurge Jérémy, entrepreneur et saisonnier de 27 ans.

Propriétaire d’une conciergerie, il annonce une baisse des réservations de 80% en moyenne cette saison. « La plupart des propriétaires pratique des prix relativement élevés en cette période de forte affluence dues aux vacances scolaires. Pour un studio de 26m2, il faut compter 900 euros la semaine. À ce prix là, la plupart des réservations sont annulées et les gens ne viendront pas fêter Noël dans les stations », regrette celui dont l’exclusivité des revenus est lié au tourisme.

Proche des frontières suisses et italiennes, Val Thorens est un cas particulier. Élue pour la cinquième fois « meilleure station du monde » par les Les « World Ski Awards » et meilleure station française pour la sixième fois, elle est la destination privilégiée des étrangers. « En pleine saison, c’est près de 70% des habitations qui sont louées par européens, essentiellement hollandais et allemands. Il y a aussi beaucoup d’Israéliens et de Russes qui viennent », explique Jérémy. « C’est un clientèle qui se déplace pour consommer et qui fait travailler une grande partie des saisonniers ».

« Pas sûr d’être en capacité de payer »

Dans la station qui compte plus de 400 commerces, bars, restaurants, activités… Ils ne sont qu’une vingtaine à ne pas afficher porte close. Pour Marc, le gérant d’une boutique d’équipement sportif de la galerie marchande de Val Thorens, il faut se montrer prévoyant malgré un plan de navigation à vue. « On ne peut pas se permettre de faire des travaux de rénovation dans le magasin car on ne sait pas si les clients vont venir », s’interroge le Provençal, expatrié en Savoie depuis 24 ans. « Pour l’heure, je n’ai toujours pas fait mon recrutement d’effectifs car j’ai déjà d’énormes frais engagés et je ne suis pas sûr d’être en capacité de payer deux, voire trois salaires si les entrées ne suivent pas ».

Les -10° affichés par le mercure dissuadent facilement les quelques saisonniers encore présents d’une balade dans la station qui prend des airs de village fantôme. Pour se réchauffer autour d’une raclette et d’un vin chaud au sommet des pistes, il faudra attendre encore vraisemblablement plusieurs semaines, au mieux. Le risque, pour ceux qui ont déjà connu une saison avortée au début du mois de mars, c’est de voir de nombreux domaines skiables en faillite dès 2021.

Léo Khozian