Depuis la fin du mois d’août, l’Etat Rakhine en Birmanie est en proie à un véritable massacre. L’armée et les nationalistes birmans ont lancé une vaste opération de violence à l’encontre des Rohingyas, minorité musulmane du pays.

Peuple sans Etat, les Rohingyas vivent depuis le XVIe siècle en Birmanie. Musulmans dans un pays très majoritairement bouddhiste, la cohabitation génère des tensions depuis toujours. Ces dernières s’accroissent après la période coloniale et l’indépendance Birmane. Ils deviennent alors des apatrides, sur base légale depuis 1982. Ils sont dès lors en difficulté dans chaque aspect de leur vie quotidienne : éducation, emploi et même mariage. Leur exil commence dès la fin des années 1970, mais les évènements récents poussent à une accélération de cette migration forcée. En effet, en 2016 des rebelles de l’Arakan Rohingya Salvation Army attaquent plusieurs postes de police, prétextant la défense des droits bafoués de leur peuple. En réponse, l’armée accompagnée de nationalistes lance un lourd mouvement répressif, entrainant destructions, incendies et massacres de cette ethnie minoritaire. Parmi ces nationalistes, les moines Rakhines (mouvance bouddhiste) sont particulièrement actifs. Ces religieux extrémistes se regroupent afin de diffuser une vision haineuse et dangereuse de la population musulmane.

La religion, source de séparation et de violence entre les hommes ?

L’histoire de l’humanité est jalonnée par celle des religions, et notamment par la perpétration d’actes de violence, parfois extrêmes, en leurs noms. Source de savoir, de passions mais également de pouvoir, la religion joue une place centrale dans la vie de l’homme mais également dans la société. Dès 1095, les chrétiens d’Europe, sous l’égide du pape, entreprennent des croisades afin de « lutter contre l’infidèle » musulman et retrouver l’accès à leurs lieux de pèlerinage, tels que Jérusalem. Dans l’objectif de se défendre des violences et répressions musulmanes, ils se sont, sous la bannière religieuse, livrés à des actes de destruction et de pillages d’une ampleur plus que conséquente. Les terres saintes ont par ailleurs généré des conflits entre toutes les principales religions monothéistes, lors des croisades, mais également plus récemment du fait de la création d’Israël. Palestiniens musulmans et Israéliens juifs se sont déchirés, et se déchirent encore cette terre lourde de sens au sein de leur culture. Devant la liste de ces conflits et guerre de religions, la dimension violente des croyances alerte. Dans le cas du massacre des Rohingyas, des moines adeptes du bouddhisme sont mis en cause. Cette religion affiche pourtant comme objectif la recherche de la paix, intérieure comme extérieure, et s’écarte de tout prosélytisme.

L’Etatisation de la croyance, racine des maux religieux

Il est important de remettre en perspective la relation qu’entretiennent religion et violence, et de mettre en lumière le rôle que joue l’Etat dans ladite relation. Bénies par le pape, les croisades étaient conduites par les monarques des royaumes chrétiens. Les liens très profonds qui existent alors entre Etat et Eglise donnent aux chrétiens la validation qu’il est juste de convertir et de lutter contre les infidèles. Aujourd’hui encore, la religion quand elle est associée à une puissance étatique semble se permettre les pires violences sous prétexte d’une certaine légitimité divine. L’exemple notamment de l’Etat Islamique est une bonne démonstration de la violence que peut provoquer la fusion entre politique et idéologie religieuse extrémiste. Le cas des Rohingyas s’inscrit également dans cette étatisation de la croyance, puisque les moines bouddhistes qui participent à leur persécution sont nationalistes avant d’être religieux. Le crime contre l’humanité actuellement en cours en Birmanie est le fait du régime autant que des moines bouddhistes, perpétré au nom d’un nationalisme religieux extrémiste et nauséabond.

Le Dalaï-Lama – maître bouddhiste – exhorte quant à lui Aung San Suu Kyi à trouver une solution pacifique : « Je vous appelle, vous et vos collègues, à tendre la main à toutes les composantes de la société pour tenter de rétablir des relations amicales au sein de la population dans un esprit de paix et de réconciliation ». Cette condamnation par le Dalaï-Lama des actes perpétrés par les bouddhistes birmans à l’encontre des Rohingyas démontre de la nature initialement pacifiste de la religion bouddhiste.

Maud GUILBEAULT et Marie GENDRA