Les œuvres abordant le thème du crime organisé recueillent un succès (critique et populaire) colossal. Gomorra, série italienne mettant en scène des mafieux napolitains, en fait partie. La dernière saison a réuni plus d’un million de téléspectateurs sur la chaîne Sky. Les personnages séduisent les jeunes, au risque de créer des vocations. A moins que ce ne soit l’inverse… 

De la trilogie du Parrain, en passant par les Affranchis jusqu’aux séries télévisées Narcos et Gomorra, les productions sur la pègre rencontrent souvent un franc succès. L’American Film Institute (AFI) place Le Parrain à la deuxième place des meilleurs films américains. « Ces réalisations nous font fantasmer », confesse Assif Djaé, 25 ans, addict aux séries. « On observe un monde auquel on n’appartient pas, sans se faire attraper », renchérit l’étudiant en école de commerce. Ces œuvres peuvent-elles servir d’antidote contre la propagation de la grande délinquance chez les jeunes ?

Une partie des adolescents s’abreuve de ce type de productions sans éducation. Elle s’attache et s’identifie à ces anti-héros, au risque d’en faire de mauvais modèles. « Les jeunes sont fascinés par Pablo Escobar ou encore Ciro », assure Antoisse Mbaé, élève de terminale à Marseille. Le premier est un gangster ayant réellement sévit en Colombie, le second est l’un des principaux personnages du show transalpin Gomorra. « Leur charisme, leur façon d’être et de parler, nous attire », ajoute l’adolescent de 17 ans. Dans un article paru sur le site « les Inrockuptibles », Fabrice Rizzoli, spécialiste de la mafia italienne, préconise « une intervention de spécialistes pour aider les élèves à décoder les images ». « La série Gomorra devrait être enseignée dans les lycées de tous les pays », insiste le chercheur.

« Faire comprendre la distinction entre le réel et la fiction »

Un cours débutant par un règlement de compte sanglant tout droit sorti de la série Narcos, où Pablo Escobar et ses sbires terrorisent la Colombie des années 80, peut attirer plus d’un lycéen. En tout cas, Antoisse semble ravi qu’une telle initiative puisse voir le jour. « C’est une bonne idée » dit-il sobrement. Le jeune homme connait déjà l’expérience. « En cours d’italien, on a regardé un teaser de Gomorra » pour comprendre que ces personnages sont certes populaires mais, surtout, craints pour leur capacité à utiliser la violence extrême.

Assif Djae lui emboîte le pas: « Il est totalement envisageable de traiter ce genre de séries dans des cours dédiés. Il faut faire comprendre aux lycéens la distinction entre réel et fiction ». Même si ces productions se veulent réalistes, il n’en demeure pas moins qu’une partie de fiction existe afin de rendre le tout divertissant.

Yécha Ibrahim, élève de terminal et biberonnée à ces séries par ses grands frères, n’y croit absolument pas. « Je doute de la capacité des élèves à être réceptifs », assène-t-elle. Jauffrey Savino, 24 ans, étudiant en école de commerce voit plus loin. « Cela peut être dangereux », déplore-t-il. « Ce type de prévention peut avoir un effet contradictoire et formater quelques élèves instables. L’éducation nationale ne peut pas prendre ce risque ». En ces temps de réformes, la gageure pourrait être tentante…

Azir SAID MOHAMED CHEIK