« On ne naît pas femme mais on en meurt ». Depuis septembre 2019, des slogans chocs et marquants fleurissent sur les murs de nos villes. Les colleuses sont de plus en plus nombreuses à braver l’interdit et à rejoindre les différents collectifs de “collages féministes” munies d’un pinceau et d’un pot de colle pour interpeller les passants et soutenir les victimes de violences sexistes et sexuelles. 

Faire entendre la parole des femmes, des personnes non-binaires et trans, dénoncer les féminicides et la non-action de l’Etat, honorer les victimes de violences, provoquer une prise de conscience et amener le débat au sein de l’espace public… Les motivations des colleuses sont diverses et variées. Jeanne* a rejoint le mouvement quelques jours après sa création en septembre, à Paris. Féministe depuis un moment, elle a saisi l’occasion pour se lancer dans l’activisme : “être confrontée à ces messages sur les murs de ma ville, ça a été un déclic. Je me suis dit qu’il était temps de commencer à agir”. Après son départ de Paris, Jeanne a décidé de continuer son engagement et rejoignant le collectif des colleuses de Strasbourg. 

Chaque ville son collectif, le mouvement n’est pas une association. Initié dans la capitale, il s’est vite propagé dans d’autres villes de France. Il suffit qu’une personne décide de lancer le mouvement chez elle en créant un compte Instagram, puis les autres suivent. Les actions s’organisent et se coordonnent par message. Chaque personne est libre de participer ou non. Chacune finance et apporte son matériel. Une fois les slogans prêts et la nuit tombée, elles se mettent au travail. “On est dehors avec nos pinceaux et nos pots de colle, rien ne nous arrête, c’est hyper puissant”. “On sait que c’est interdit, c’est beaucoup d’adrénaline. Il m’est arrivé d’avoir affaire à la police pendant qu’on collait. Ils nous ont fait la morale et nous ont demandé de décoller, mais on n’a pas eu d’amende”.

Bien que ces actions soient interdites, les colleuses sont soutenues : “beaucoup de personnes nous encouragent dans la rue et nous demandent comment elles peuvent nous aider”. Jeanne et son collectif ont décidé d’ouvrir une cagnotte en ligne pour soutenir leurs actions et financer le matériel. C’est aussi une manière d’impliquer les personnes qui ne veulent ou ne peuvent pas prendre le risque de sortir coller. Jeanne pense “qu’il est possible de s’allier au mouvement d’une autre manière, d’aider sans être sur le devant de la scène”. “Les actions sont faites par les femmes et pour les femmes ». S’agissant des hommes cisgenres, certains collectifs acceptent leur présence lors des actions, à condition que les autres soient d’accord. A contrario, d’autres collectifs non-mixtes refusent leur présence. 

Certains messages font froid dans le dos, d’autres cherchent à soutenir. “Quand je colle, je pense aux femmes qui vont passer devant et qui vont le lire. On reçoit des témoignages de meufs qui nous disent qu’elles se sentent vachement moins seules, et pour moi avec ça, on a tout gagné”. La jeune femme de 21 ans est bien décidée à poursuivre les actions. Après avoir conquis un grand nombre de villes française, le mouvement s’exporte à l’étranger et prend de plus en plus d’ampleur. “Le mouvement évolue au jour le jour mais s’il y a une chose dont je suis sûre, c’est que ça ne va pas s’arrêter de sitôt. Les personnes qui n’approuvent pas notre démarche peuvent critiquer et arracher tant qu’ils veulent, on recollera”.

*Par souci d’anonymat, le prénom a été modifié

Lenna GWISS