30% de femmes, sur le trombinoscope peu d’entre elles sont “directeurs”. C’est ce triste constat que cherche à changer le Commissariat à l’Energie Atomique et aux Énergies Alternatives (CEA) de Cadarache.

Afin d’inverser la tendance, le centre de recherche se donne pour mission d’informer les jeunes étudiantes et étudiants sur son rôle et sur les carrières possibles. C’est dans cette optique que le CEA Cadarache a organisé une journée de promotion des métiers de la science le jeudi 7 février. Collégiens, lycéens et étudiants ont été invités à participer à cette journée dans la commune de Saint-Paul-lès-Durance, dans les Bouches-du-Rhône.
Néanmoins, dans un contexte où les femmes sont encore minoritaires dans l’organigramme, le Commissariat souhaite mettre l’accent sur la possibilité pour les femmes de s’engager.
Pour les jeunes venus assister à cette journée portes ouvertes, le ton est donné dès l’arrivée dans la salle de conférence. À l’entrée, un drapeau affiche fièrement “en sciences tous les métiers sont mixtes”.
Une fois installés, le discours de Guy Willermoz les attend. Le chargé de communication insiste sur le rôle prépondérant de Marie Curie dans l’histoire de la science et ses multiples distinctions. La matinée se poursuit avec la présentation de “posters” dans le cadre du projet “Lucie”. Les élèves venus assister à cette journée ne sont en effet pas arrivés les mains vides. Chaque classe a préparé cette visite en effectuant des travaux expérimentaux relatifs à l’énergie nucléaire et les ont résumés sous forme de panneaux format A1.
On sent déjà la gêne. Les groupes sont au mieux paritaires au pire composés uniquement d’hommes. Auto-limitation de femmes à présenter le travail de groupe ou représentativité de classes masculines ? Ce sont en tout cas les BTS ou les terminales scientifiques qui sont les plus inégalitaires.
L’après-midi, des ateliers sont organisés. Pendant une heure, les jeunes peuvent rencontrer des employés du CEA et découvrir leur métier. Si globalement la parité est respectée parmi ces derniers, c’est moins le cas au sein du public. Les lycéennes sont moins nombreuses que leurs homologues masculins et se font surtout plus discrètes. Elles hésitent à participer, à poser des questions. Est-ce par timidité ou désintérêt pour les sciences de l’énergie ?

Néanmoins, le CEA n’abandonne pas son combat pour attirer les femmes. De retour dans la salle de conférence, ce ne sont plus des brownies mais des tracts qui accueillent les élèves. On retrouve des piles de marque-pages “en sciences tous les métiers sont mixtes” où figure une interview de femme au recto et une autre d’homme au verso. À côté, une plaquette “Soyez les chevaliers de la Science pour construire votre avenir” fait figurer une paladine, une épée dans les mains sur sa couverture. Enfin, le magazine imagine ton futur choisit même de ne faire figurer que des femmes sur la couverture.
La journée se clôt avec une remise des prix pour récompenser les panneaux présentés le matin. Symbole fort, tous les prix du projet “Lucie” portent des noms de femmes. Sur son prix de la communication, Fanny a pu découvrir le nom et le visage de Leona Woods, physicienne américaine méconnue qui a collaboré à la construction du premier réacteur nucléaire.

Guy Willermoz a à peine le temps de décerner les prix Lise Meitner et Marie Curie que les jeunes venus de toute la région PACA doivent déjà rentrer en bus dans leur établissement d’origine. Ainsi s’achève cette journée de découverte des métiers scientifiques et de mise à l’honneur des chimistes, physiciennes, chercheuses et ingénieures. D’hier comme de demain.

 Regards croisés : de plus en plus de femmes ingénieures, il était temps !

Nous sommes partis à la rencontre de femmes travaillant au CEA Cadarache. Est-ce que le plus grand centre de recherche Européen est paritaire ? C’est la question que nous leur avons posée.

Géraldine, assistante ingénieure en biologie moléculaire, explique : « au niveau du personnel technique associé à la recherche, il y a beaucoup plus de femmes parce que la biologie est une catégorie d’étude où il y a beaucoup plus de filles au départ donc forcément à la sortie, il y aura plus de filles”. Elle admet néanmoins que les chercheurs sont, eux, majoritairement masculins. Mais que la profession se féminise depuis quelques années “cela fait 25 ans que je travaille au CNRS et j’ai remarqué une nette augmentation de chercheurs féminins ces dernières années. Les femmes sont plus nombreuses par rapport à mes débuts où la population était beaucoup plus masculine” nous assure-t-elle.

Olivia Leroy, chercheuse en méthodes et moyens d’analyse de risque, nuance. Dans son service, les femmes sont plus cadres que techniciennes, même si elle reconnait que c’est une exception. Malgré tout, des idées reçues sur la condition féminine persistent. “Quand je dis aux gens que je travaille ici, on me demande si je suis secrétaire. Je vois aussi que mes collègues mettent parfois en doute mes compétences. C’est comme si j’avais besoin de prouver quelque chose” raconte-t-elle. Elle reconnaît cependant une “réelle incitation’’ de la part de ses supérieurs à diriger des programmes innovants afin de se démarquer et de gravir les échelons.

Comme ses deux collègues, Magali, ingénieure sécurité au CEA Cadarache, reste optimiste. Pour elle, les campagnes de communication du CEA et sa volonté de s’ouvrir à tous les publics vont dans le bon sens. “Aujourd’hui, il y a environ 70% d’hommes sur le CEA Cadarache. Au sein des ingénieurs sécurité, nous sommes de plus en plus de femmes, jusqu’à être aujourd’hui en supériorité. Sur l’ensemble du centre, la parité est encore loin mais on observe une progression. Pareil en ce qui concerne la hiérarchie, les femmes investissent de plus en plus les postes importants”. Selon elle, les inégalités ont une base scolaire.

 Microtrottoir : L’école, berceau des inégalités hommes/femmes dans les sciences ?

Élodie, 16 ans, élève en première scientifique au lycée Thomas Edisson de Lorgues :
“Je n’observe pas d’inégalités dans ma classe, mais je suis convaincue que c’est une exception. S’il y a plus de filles que de garçons, c’est parce que nous sommes dans une classe avec plus de cours de langues. Dans les autres classes scientifiques les filles sont en infériorité numérique. Dès la seconde, à l’heure des choix, on nous informe de ces terribles statistiques. On se dit alors que parce que l’on est une femme, on a moins de chances de performer en sciences.”

Annaëlle, 16 ans, élève en première scientifique au lycée Thomas Edisson de Lorgues :
“Nous, les filles, nous sommes ultra majoritaires dans ma classe de première S, il y a seulement cinq garçons pour 26 filles. Ce n’est pas comme ça chaque année, nos professeurs nous disent que notre classe est exceptionnelle. A l’échelle du lycée, les classes sont apparement plus équilibrées. Je ne ressens donc pas d’inégalités de traitement entre filles et garçons”.

Magalie, 46 ans, enseignante en Terminale S SVT au lycée de Val de Durance :
“C’est un cercle vicieux : il y a peu de femmes dans les filières scientifiques, cela décourage les futures prétendantes, qui ont le sentiment de partir avec un désavantage dans ces filières. Si les classes scientifiques en sciences de la vie de la terre se féminisent, il n’y a pas de progression en sciences de l’ingénieur. Pour lutter contre ces inégalités, nous avons mis en place dans mon lycée l’opération Femmes des mathématiques, qui met en avant le profil de grandes mathématiciennes, trop souvent restées dans l’ombre ”.

Grégoire Cherubini, Gaspard Dareths, Lauriane Ferro