L’entrée dans la boutique est saisissante. Des robes, des chapeaux, des sacs à main – rien d’anormal jusque-là – mais aussi des attrape-rêves, des bières artisanales, des origamis… Tant de produits et bien d’autres sont là, dispersés sur les murs, les présentoirs, les meubles aux diverses tailles, dans une sorte de « fouillis organisé ». Les yeux se posent difficilement sur un point fixe. Attirés tantôt à gauche par un sac python autruche, tantôt à droite par un attrape-rêve d’au moins un mètre qui trône fièrement au milieu du mur. Les curiosités disposées dans cette « caverne d’Ali Baba » ne laissent pas le regard du visiteur se reposer. Et pour cause : « l’éphémère boutique » au centre-ville d’Aix-en-Provence recense les créations originales de dix-neuf concepteurs locaux sur une surface relativement faible – deux salles d’une dizaine de m2 chacune. « Cela crée une ambiance chaleureuse, attractive, où tout le monde trouve son plaisir » sourit Murielle Toulon, créatrice de « Vol 707 », sa marque de maroquinerie, et exposante dans la boutique. Une boutique attractive sans doute, qui doit cette qualité à son concept.

Une boutique pas ordinaire

A boutique originale, concept original. La boutique éphémère propose la location d’un espace de vente à plusieurs commerçants – une sorte de colocation – afin qu’ils puissent exposer leurs créations et se faire un nom à moindre coût. Et pour la durée qu’ils désirent. Une semaine, un mois … Ils arrivent et repartent lorsqu’ils le souhaitent. Le tout en profitant d’une enseigne qui offre une grande variété de produits de toutes les gammes. Une offre originale dans une ville souvent définie comme la « prestigieuse vitrine commerciale du Sud », connue pour ses loyers onéreux.

Le principe de la boutique éphémère, arrivé de pays étrangers à Aix-en-Provence il y a cinq ans, a donc instauré dans la ville aux mille fontaines le partage de la zone de vente. C’est sous l’impulsion d’ Agnès Renucci qu’a été créé le premier magasin de ce genre, « l’éphémère boutique », rapidement suivie par la naissance des « Passagers Aix ». « L’idée part d’un constat sur lequel s’accordent presque tous les créateurs : les loyers des boutiques sont très élevés, les charges difficiles à assumer et relooker son magasin devient rapidement bien trop onéreux » explique l’instigatrice du projet. Une situation qu’Elisabeth Perron, jeune créatrice et exposante dans la boutique depuis janvier, ne connaît que trop bien. « Lancer ma propre marque, Les créations d’Eli, consistait en un véritable challenge » se rappelle-t-elle. « Heureusement que ce système existe pour me permettre d’exposer mes créations. Je n’aurais jamais pu me payer ne serait-ce que la location d’une boutique si j’avais dû continuer seule ». Autre avantage, la proximité avec les autres créateurs. « Cela me permet de profiter de leur expertise et conseils, en plus de me faire un véritable réseau. Qui est déjà mis à profit d’ailleurs, que ce soit en terme de communication ou de recherche de financement. »

Un concept solidaire ?

La boutique est donc fondée sur la coopération. « C’est d’abord un système d’entraide. Il est très difficile pour un créateur, qu’il soit nouveau sur le marché ou en place depuis un moment, d’ouvrir sa propre boutique, alors on partage les coûts » appuie Murielle Toulon, pourtant créatrice professionnelle depuis onze ans. « Et cela complète bien la vente en ligne, on y gagne en visibilité sur le terrain et ce, même si les créateurs sont concentrés ». Et la concurrence entre les marques dans tout ça ? « Il n’y a pas vraiment de compétition entre les créateurs, puisque nos produits sont différents et proposent rarement les même prix » expose Elisabeth. « Pour vous dire, on se relaie dans le magasin et l’on vend les œuvres de nos confrères «  sourit-elle, convaincue des bienfaits de cette boutique presque solidaire.

Maxime Chehade