18 théâtres jonchent les rues d’Aix. De tailles et de notoriétés variées, ils sont aussi nombreux qu’à Lyon, ville comptant pourtant quatre fois plus d’habitants. Une abondance liée au goût particulièrement prononcé des Aixois pour le quatrième art mais pas seulement. Les salles ont toujours réussi à se renouveler pour attirer les nouvelles générations devant mais également sur les planches.

Il compte 1382 places et dénote au sein du paysage aixois par son architecture en colimaçon si particulière. Inauguré en 2007, le Grand théâtre de Provence est devenu en une décennie un acteur majeur de la
culture à Aix. La salle accueille, en plus des représentations théâtrales, de nombreux concerts et a vu Jessye Norman, Hélène Grimaud et pléthore d’autres artistes internationaux fouler ses planches. Mais ce nouveau venu ne monopolise pas l’art de la scène. Au gré des rues aixoises, il est aisé de tomber sur le théâtre du Jeu de paume, du Flibustier ou encore de la Fontaine d’argent. Ils sont en tout 17 dans le centre étendu de la ville et perdurent au fil des années. Dans une époque ou seulement 19% de la population déclare aller au théâtre au moins une fois par an, la performance est notable. Contrairement aux idées reçues, le profil type de l’amateur de théâtre n’est pas défini par son âge mais plus par son mode de vie. Pour Sandrine, directrice du café-théâtre le Flibustier, la comédie est même très à la mode chez les étudiants ‘’l’amateur de théâtre est souvent jeune à Aix, il est représentatif d’une partie de la population de la ville, urbaine et dynamique. Beaucoup d’étudiants viennent voir du théâtre’’.

Le mélange culturel, crème anti-âge d’un art ancestral

Nombreux théâtres Aixois n’hésitent pas à dépasser leur cadre originel pour continuer à attirer un public jeune. Le Flibustier, le théâtre de la Fontaine d’argent et d’autres encore proposent un espace café dans
lequel chacun peut se retrouver avant ou après une représentation. L’espace de discussion et de partage qu’est traditionnellement le café est mis au service de la culture et devient vecteur des conversations. Une méthode engendrant beaucoup de bouche-à-oreille. Pour Nicolas, employé à la Fontaine d’argent, la publicité se fait naturellement ‘’ça fait parler les gens ! Quand ils sortent après avoir passé un bon moment entre amis, ils
en parlent ensuite à leurs collègues et à leur famille. Ça donne de la visibilité à nos représentations et les gens reviennent !’’. Sur la question de la diversité de ses clients, il se vante de retrouver dans son théâtre l’éclectisme d’un café populaire ‘’regardez la terrasse d’un café du cours
Mirabeau et vous observerez tous les profils qui composent la population : des jeunes, des moins jeunes ; des employés, des étudiants, des cadres… C’est l’avantage d’avoir développé ce commerce en prolongement de la scène, on touche tout le monde et particulièrement les jeunes adultes’’.
Les théâtres Aixois jouent de leur singularité et n’hésitent pas à évoluer pour perdurer.
Cela passe même par la cohabitation avec d’autres arts. Le Ruban vert en est l’illustration. A son nom on devine déjà que le lieu est atypique. Sur
les planches, la couleur verte est taboue car censée porter malheur. Peu importe pour la galerie-théâtre qui ne craint pas de jouer avec les codes. L’endroit se divise en deux espaces : le théâtre et la galerie d’art. Carrefour culturel, le Ruban vert accueille concerts, expositions, spectacles, boutiques éphémères, séminaires et même… des anniversaires. Autant de chance donc de toucher un public plus large qui n’aurait pas fait la démarche de
s’intéresser directement à la comédie.

Vous ne savez pas quoi faire ? Improvisez !

Autre variante du quatrième art, le théâtre d’improvisation a largement trouvé sa place dans la scène aixoise. L’Ainsi-de-suite propose des matchs d’improvisation inter-villes. Chaque semaine, des équipes se rencontrent et se voient attribuer par un arbitre des thèmes et des catégories de sketch. Pendant deux mi-temps de 45 minutes (comme au football), les
participants cherchent à déclencher l’hilarité du public. Un jeu basé sur la
spontanéité et sur les imprévus qui séduit. Aix possède sa propre troupe, les
fondus. Le groupe existe depuis 2005 et se produit sur les planches francophones. Au café culturel ‘Le 3C’, ils se produisent parfois dans des soirées libres d’entrée au public. Un accès privilégié à la culture des planches pour un auditoire jeune, conquis par l’idée d’accéder à la comédie
sans mettre la main au portefeuille. Pour ceux qui voudraient s’y essayer, la ligue d’improvisation aixoise (LIPEX) est peut-être l’endroit idéal. Tous les jeudis, elle organise des ‘’apéros impro’’ et permet aux curieux de se risquer à la pratique en participant à des battles d’improvisation.
> Comptez 9€ pour assister à un ‘’apéro impro’’ organisé par LIPEX

Le stand-up, renouveau d’un art ancestral

Aujourd’hui les théâtres n’accueillent plus seulement des représentations de pièces classiques. La discipline reste très populaire avec une dizaine de salles en mettant régulièrement à l’affiche. Le théâtre du Jeu de paume, l’Ainsi-de-suite et le théâtre Nô en font même une exclusivité, le dernier
diffusant uniquement du Nô, théâtre traditionnel du pays du soleil-levant. Mais désireux de toucher une plus grande cible et d’éveiller la curiosité d’un public varié et jeune, plusieurs salles ont axé leur programmation
sur l’humour, proposant exclusivement ou presque des représentations de
stand-up. C’est le cas du théâtre Flibustier ou de la Fontaine d’argent. Ce
dernier possède une salle très intimiste comptant seulement 75 places. En
se représentant devant une audience si restreinte, l’humoriste développe une relation particulière avec son public et n’hésite pas à installer une interactivité avec les gens. Organisant ses représentations en fin de semaine, du jeudi au samedi, les artistes foulent la scène de la Fontaine d’argent quatre soirs de suite. Le tarif est généralement de 20 euros pour une bonne heure de rire. Le jeudi soir est systématiquement proposé
à un tarif étudiant de 11,5 euros. Une recette gagnante pour le théâtre. Le public fréquentant la salle est jeune et se retrouve rapidement
fidélisé. Nicolas, employé à la Fontaine d’argent le confirme ‘’le stand-up
est un format qui attire beaucoup, c’est toujours agréable d’aller rire au
théâtre. En plus, une petite salle permet une grande proximité, je crois que les jeunes consommateurs de scène aiment cette relation particulière avec l’artiste… On a trouvé un bon créneau!’’.
Assister à un stand-up dans une salle intimiste, c’est aussi aimer la sensation de pouvoir être interpellé à chaque instant. Le confort du siège se relativise et on se laisse emporter par le spectacle en sachant qu’à tout moment l’artiste pourra nous envoyer une vanne bien placée. La surprise fait partie de la soirée.

Les planches de la fac

Si les étudiants aixois aiment le théâtre, c’est peut-être car ils peuvent y avoir accès gratuitement dans leur environnement d’études. Mieux, les cours de théâtre proposés chaque semestre par les facultés comptent  comme une bonification dans la moyenne de l’étudiant. Ils se déroulent
au théâtre universitaire Antoine Vitez et sont véritablement pris d’assaut. A chaque rentrée semestrielle, les quelques dizaines de places disponibles
partent dès la première journée d’ouverture des inscriptions. La pratique du théâtre en bonus ne compte que deux créneaux, le lundi et le jeudi.
Un accès restreint à un trop petit nombre ? Oui et non. L’université met à la disposition des étudiants inscrits une réelle initiation encadrée par des professionnels de la discipline et doit jongler avec un calendrier du théâtre très chargé.
Aix-Marseille Université est également partenaire de nombreux théâtres  aixois et propose une carte 18-30 ans à 15 euros permettant d’avoir
accès à de très nombreuses pièces à des tarifs réduits. En dehors de la faculté, écoles et formations aixoises proposent à leurs étudiants la découverte du théâtre. A Science Po Aix, une association
gérée par les étudiants s’occupe de l’atelier théâtre et met en place une troupe jouant des représentations. Charlie, étudiant en 4ème année à Science Po, s’est laissé tenter : ‘’lors de mon arrivé à l’école, j’ai vu cette troupe qui proposait plein d’initiatives, j’étais allé voir leur pièce ‘’La
guerre de Troie n’aura pas lieu’’ et j’ai directement été emballé. A la rentrée suivante je m’étais engagé avec eux, on était une vingtaine’’. La
troupe accueille les étudiants indifféremment de leur niveau et prône l’égalité pour que chacun se sente concerné.
Pour Charlie, l’expérience est très riche ‘’Il y avait des gens de toutes les années et vraiment des étudiants issus d’horizons divers. Certains en
ont déjà fait, ont un très haut niveau et d’autres débutent totalement. A la fin ça donne une expérience hyper riche, on fait des pièces mais aussi des
improvisations. Tout le monde progresse et prend du plaisir, on essaye tout le temps de trouver des représentations où chacun aura un rôle plus ou moins équivalent pour que chacun soit concerné’’.
Une raison supplémentaire de penser que les planches aixoises ont encore de beaux jours devant elles.

Vincent Doyelle