Lucie Hugonenc

El pueblo, unido, jamás será vencido

Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, a été tué. Pourquoi ? Pour avoir « osé savoir », et avoir transmis ce savoir. Parce qu’il était libre, et qu’il a voulu partager cette liberté. La nouvelle me retourne l’estomac. Cette semaine de vacances, même perdue au fin fond de la Lozère, le poids sur ma poitrine ne se dissipe pas. Inévitablement, le sujet est abordé lors d’un repas de famille. Hervé me confie son histoire. Cet ami de la famille a vécu plusieurs années en Argentine et en est ressorti profondément marqué. Non pas par la nourriture, ni par les paysages, ou encore par l’histoire du pays, mais par cette précieuse liberté. « Là-bas », me raconte-t-il, « ils sont si libres… si libres ! Les idées sont exprimées et partagées en permanence. Tu sais, on dit souvent qu’on parle fort dans ces pays là… Je crois, secrètement, que c’est de là que vient ce brouhaha permanent. On ne peut parler calmement quand on parle librement, passionnément. ». Libre et passionné. Comme Samuel Paty. En hommage, Hervé sort sa guitare et chante les musiques engagées argentines qu’il a soigneusement imprimées. Il les promène partout contre son cœur, comme Blaise Pascal le faisait. C’est son épiphanie, sa révélation, ses lumières. C’est en chantant qu’il exprime sa liberté. Samuel, c’était en enseignant. « El pueblo, unido, jamás será vencido ». Ce refrain prend un tout autre sens. C’est en restant unis que nous demeurons libres. En s’exprimant, en partageant, en apprenant… ensemble. Et cette liberté nous rend invincibles. Merci, Samuel, de nous le rappeler. Nous nous en souviendrons. Promis.

Elisa Hemery

Discussion et émotions autour de la republication des caricatures

C’est le week-end qui suit la republication des caricatures de Mahomet. Mes parents sont venus me rendre visite. Dans ma famille, nous aimons débattre et argumenter. Nous sommes très rarement d’accord, ce qui a l’avantage d’enrichir la conversation. Après des questions liées évidemment à mon arrivée à la faculté d’Aix et aux élèves avec lesquels j’ai sympathisé, on en vient à évoquer l’actualité de la semaine et plus précisément Charlie Hebdo. Mon insouciance est mise à mal ce jour-là, ce 7 janvier. Tout s’assombrit alors. La simple évocation de cet événement m’émeut aussitôt, tout comme ces dates : 13 novembre 2015, 14 juillet 2016, 11 décembre 2018. Je refoule mes larmes. « Ça ne leur a donc pas suffi, nous n’avons pas assez souffert ? ». Je ne parviens pas à réfléchir, le poids de cette souffrance partagée et accumulée est plus fort. « Nous ne devons pas céder à la peur » me répond mon père. Mais à cet instant je veux seulement que l’on ne revive plus de tels drames. A mes yeux ce n’est qu’une incitation à perpétrer des attentats. C’est une nouvelle provocation, une nouvelle invitation à la haine. « Non, ce n’est pas de la provocation. Déjà Daumier mettait le doigt sur ce qui n’allait pas en France de son temps. » corrige ma mère. Les caricatures font état de ce qui empêche la société d’avancer ou de fonctionner correctement. Elles font partie intégrante de notre patrimoine artistique. « La liberté d’expression est un droit. Nous nous devons de le rappeler et de ne jamais l’oublier. ». Aujourd’hui, une semaine après le meurtre de Samuel Paty, ces derniers mots résonnent dans mon esprit. Oui, nous défendrons notre liberté, à tout prix.

Cécile Vassas

Manifestation du 11 janvier 2015 : défendons la liberté d’expression

Nous sommes le 11 janvier 2015. Les Français se mobilisent pour répondre au terrorisme. Les Français se mobilisent pour défendre la liberté d’expression. Des marches républicaines sont organisées dans toutes les grandes villes. Nous sommes le 11 janvier 2015 et je participe à ma première manifestation. Je ne suis pas de ceux qui proclament ou revendiquent leurs idées à tout bout de champ. Je les défends farouchement à mon échelle, lors de discussions, de débats, jamais dans la rue. Mais cette fois l’enjeu est trop important. Ce 11 janvier, ne pas manifester revient à se museler. Et je refuse de la fermer.

C’est mon premier rassemblement mais je n’ai pas peur, j’y vais fière et équipée, mes pancartes sous le bras. Quelque part j’ai l’impression de partir au combat. Notre attaque est pacifique mais elle a du poids. Nos armes sont nos voix, nos mots, nos dessins et nos slogans. « Je suis Charlie ». « Mourir plutôt que me taire ». « Liberté, j’écris ton nom ». A Bordeaux, les places et les rues deviennent noires de monde au passage du cortège. Devant le Grand Théâtre, Pey Berland, Gambetta ou place de la Bourse, les lieux emblématiques de la ville sont pris d’assaut. Dans les rangs, les manifestants pleurent, hurlent leur colère, se veulent un soutien aux victimes des attentats ou viennent revendiquer leurs droits et leurs libertés. Quelles que soient nos motivations, nos messages ou nos idées, nous les écrivons et les partageons. Avec ceux autour de nous, avec la ville, avec la France, avec le monde entier. Ce 11 janvier personne n’a pu nous en empêcher, pas plus que ce mercredi 22 octobre. On ne nous en empêchera jamais.

Jean-Baptiste Robert

Souvenirs des cours d’histoire-géographie de Terminale

7 janvier 2015. 13h30, la sonnerie retentit, direction le cours d’histoire-géographie. Devant son tableau blanc, Claude Lutaud nous attend, blême. « Aujourd’hui, nous n’allons pas faire cours comme d’habitude, j’espère que vous avez tous vu ce qu’il s’est passé ce matin » commence t-il d’une voix plus rauque que la normale. Il allume le vidéoprojecteur et la couverture du 1177e numéro de Charlie Hebdo s’affiche sur l’écran blanc.

« Aujourd’hui, on va parler de la liberté d’expression, elle est en danger de mort » poursuit-il d’un ton plus grave. Le matin même, sur les coups de 11h30, les frères Kouachi pénètrent dans les locaux de l’hebdomadaire. Armés de fusils d’assaut, ils ouvrent le feu. Douze personnes perdent la vie ce jour-là dont 8 membres de la rédaction. « Si je devais choisir une seule raison de faire cours depuis 35 ans, c’est pour que chacun d’entre vous comprenne que l’on vit dans une République, libre, où l’on peut s’exprimer » assène-t-il en fixant les élèves un à un. La liberté, c’est ce que chaque semaine, mon professeur de Terminale a essayé à de m’inculquer. « Elle peut être explosive, mais elle reste la vérité » aimait-il répéter. Ill commençait toujours ses cours, je m’en souviens bien,  par nous lire des extraits de pièces de théâtre ou d’essais philosophiques. Molière, Zola ou Montesquieu, ils se sont tous battus pour l’héritage qu’il nous reste aujourd’hui : la possibilité de s’exprimer sans risquer sa vie.

Même si certaines vérités peuvent être cruelles voire ironiques, il est crucial qu’elles puissent être dites. Lancé dans les études supérieures, j’ai gardé ces recommandations, et elles sont devenues centrales pour moi. Si j’ai choisi la voie du journalisme, c’est en partie grâce à ce professeur d’histoire-géographie qui m’a transmis ces valeurs. A travers l’Affaire Dreyfus, le conflit israélo-palestinien ou la Guerre d’Algérie, il a façonné plus de 35 générations de jeunes. En rediscutant avec mes camarades de classe, tous se souviennent de ses cours. Merci encore « monsieur le professeur ». 

Manon Ufarte

Six ans après, rien n’a changé ?

Les attentats perpétrés contre Charlie Hebdo en janvier 2015 symbolisent un point de rupture dans ma vie de jeune fille de 18 ans. Les premières angoisses, les questionnements sur la vie professionnelle, les études. Cela m’a bouleversée jusqu’à me donner l’envie de m’inscrire en école de journalisme quelques mois après. Cette attaque lança des débats sur le sens de la liberté d’expression partout dans la France, partout dans le monde. Elle était atteinte. Pour moi, la liberté d’expression était la possibilité pour chaque individu d’exprimer librement ses opinions sans être ostracisé, menacé ou jugé de quelque sorte que ce soit. A cet âge-là, rien ne me choquait, j’étais intimement persuadée que l’on pouvait tout dire, et avec tout le monde. Pour moi, c’était un droit fondamental en tant que Française, en tant qu’humaine; un droit pour tous. J’eus, à ce moment précis, le désir puissant de faire de cette liberté mon métier. Presque six ans après, je comprends avec amertume les difficultés conceptuelles et théoriques de cette notion. D’autant que de nombreux autres événements similaires ont marqué ces six ans. Je termine mes études de journalisme lorsque ce professeur est décapité, pour avoir voulu enseigner. Rien n’a donc changé ? L’expérience et le suivi de l’actualité m’ont fait comprendre le schéma de pensée de ces ignorants. L’assaillant n’avait que 18 ans, cela glace le sang. Je garde pourtant les mêmes convictions en étant, je l’espère, moins naïve qu’auparavant ? Je garde le même désir, celui d’écrire sans être censurée. Et je souhaite vivement le changement et le bouleversement de beaucoup de pans de notre société, pour que nous gardions cette liberté.

Léo Khozian

Liberté d’expression : quand le football prend la parole 

Politique et football forment, depuis près de 40 ans, un couple explosif en France. Pour le meilleur, et pour le pire parfois. Dans un contexte social très délicat, où les clivages au sein de la société se renforcent, exacerbé par les attentats de Charlie. Le football apparaît pourtant à l’époque pour le jeune lycéen que je suis comme un terrain de jeu essentiel. En 2015, il permet de commémorer et rappeler que la vie continue même dans les pires moments. Cependant, une semaine après les attentats, la minute de silence au stade Armand Cesari de Bastia va largement éluder l’anecdotique victoire parisienne. Si la commémoration est unanimement respectée, une banderole en tribune va retenir l’attention. « Le Qatar finance le PSG et le terrorisme ». Pourquoi ici, pourquoi maintenant. Visant directement l’Emirat, mécène du club de la capitale, la banderole flotte durant une dizaine de minutes en tribune. Un moyen pour les insulaires de dénoncer la politique française, « complaisante » avec des pays qui soutiennent directement ou indirectement des terroristes islamiques. Hasard ou non, cette banderole fait écho à un tweet du canard hebdomadaire, qui s’est fendu, le 23 septembre 2014, sur le réseau à l’oiseau bleu : « Peur d’un attentat à Paris ? Réfugiez-vous au PSG. C’est le seul endroit que n’attaqueront pas les djihadistes financés par le Qatar ». Déjà divisée, la société ne trouvera pas de terrain d’entente sur le pré. Symboles d’une vérité criante pour les uns, extrapolation et dérive pour les autres, c’est la Ligue de Football Professionnelle qui est appelée à trancher. De tout temps, les supporters se sont servis des tribunes comme auditoire pour partager leurs opinions. C’est d’ailleurs la première chose qui m’a fasciné quand j’ai mis un pied dans un stade. Cette liberté d’expression et d’engagement. Pour autant, cette prise de position engagée des Bastiais en ce 15 janvier 2015 leur aura coûté cher. Un mois plus tard, le club sera condamné à 35.000 euros d’amende. Sans doute le prix à payer pour se faire entendre.

 

                                                                                                   Raphael Hazan

La liberté d’expression dans V pour Vendetta

« On me dit de me souvenir de l’idée et non de l’homme, parce que l’homme peut échouer, il peut être arrêté, il peut être exécuté et tomber dans l’oubli alors qu’après 400 ans, une idée peut encore changer le monde. Je connais d’expérience le pouvoir des idées. J’ai vu des hommes tués en leurs noms… et mourir en les défendant. ». D’après cette citation issue du film V pour Vendetta, sortie en 2006, les idées sont plus importantes que l’être humain et elles résistent au temps. Encore faut-il pouvoir les exprimer. Dans cette dystopie décrite par le réalisateur James McTeigue, cela semble impossible. L’action se situe à Londres et le Royaume-Uni s’est transformé en dictature. On retrouve les caractéristiques classiques d’un régime totalitaire : répression envers certaines minorités, propagande à travers des médias contrôlés, encadrement totale de la population et absence des libertés fondamentales. Y compris la liberté d’expression. Cependant, une personne masquée, nommé « V », tente de renverser le régime en place et de sortir la population soumise de sa léthargie. V s’appuie sur différents éléments de communication qu’il maitrise à la perfection. Son masque devient un symbole de résistance et de lutte, aussi bien dans le film que dans la vraie vie (il est repris par le groupe des Anonymous et son port est illégal en Arabie Saoudite). Son élocution devient une arme qu’il utilise pour convaincre son interlocuteur. Sa gestuelle le rend expressif bien qu’il ne quitte pas son masque durant tout le film. Il essaie de transmettre des images et une histoire par sa communication à un peuple qui en manque cruellement. Un peuple qui n’a pas d’histoire n’a pas de références et, par conséquent, est facilement manipulable. Par l’intermédiaire de ce personnage, l’espoir renait et la liberté d’expression aussi. Sans elle, tout soulèvement semble impossible.