Le mardi après-midi, l’association Sport Senior Santé transforme le château de l’Horloge du Jas de Bouffan en véritable salle de bal. En 2016, Jacques Di Meglio, ancien professeur de maths, délaisse équerres et compas pour enseigner la danse de salon.

Lorsqu’il se met à danser, les tics de Jean-Louis se réveillent. Sa mâchoire inférieure s’avance, comme si elle voulait fuir sa bouche. Et ses joues se gonflent, tel un poisson-hérisson face au danger. Très appliqué, l’amateur de rock s’interdit le faux pas.
Les participants arrivent au compte-goutte avant d’atteindre la trentaine. De 63 à 83 ans, les danseurs en herbe déposent oreillettes et biscuits italiens sur la table en perspective de la pause. Il est 14h15, Jacques annonce une salsa, danse à l’honneur depuis le mois de janvier. Le claquement des talons résonne dans la salle. Ici, aucun miroir. Seul le professeur fait office de reflet.
Parallèles, deux lignes se dessinent alors. Jacques est au centre. Comme des adolescents à leur première boum, les femmes attendent d’un côté et les hommes de l’autre. Deux dames se distinguent parmi cette nuée de testostérone. «Il n’y a pas assez d’hommes, c’est toujours le problème» explique Monique, qui se prête au jeu du cavalier pour la séance «Diriger, ça apprend toute la difficulté qu’ont les hommes pour guider. Mais je le fais volontiers».
«Pour la salsa, les pas de base, c’est 1,2,3… 5,6,7» s’enthousiasme Jacques en se déhanchant de gauche à droite. Les danseurs amateurs esquissent alors de timides coups de reins. Une ballade latine s’échappe du lecteur de CD. Sur les lèvres, se devinent les «1,2,3» répétés maintes fois par le professeur. Les yeux rivés sur les mouvements des retraités, Jacques pointe du doigt les erreurs et attribue les pouces de félicitations.
«Les hommes, essayez de faire comme moi, et les femmes suivez Michelle». A l’aide de sa partenaire, Jacques explique les prochains enchaînements :
«Si elle ne tourne pas, vous lui donnez un petit coup de pied pour qu’elle aille plus vite» plaisante-t-il.

«Si vous avez des questions, ça m’arrangerait»

Michelle s’impose naturellement comme seconde. «Il faut baisser la main, là» indique-t-elle à un couple en difficulté. Comme une amie bienveillante, elle repère les solitaires et les fait danser le temps d’une chanson. «Je prends des cours dans une école de danse depuis 2003. J’aime le mélange des générations». La retraitée danse plus de douze heures par semaine : «J’ai encore deux heures de rock salsa après» s’amuse-t-elle.
«Si vous avez des questions, ça m’arrangerait !» reconnaît Jacques, le front trempé de sueur. L’heure de la pause se profile. Le bruissement des sachets plastiques laisse place aux odeurs de chocolat, de nougats et de fruits sucrés. Chacun se sert volontiers. «Le problème avec les oreillettes, c’est qu’on en met partout» s’esclaffe Gérard, animateur de randonnée pour l’association. En plus de la danse de salon, le retraité ne chôme pas : «Je fais des raquettes, de la randonnée et du VTT. Je suis plutôt bien occupé». Pour 67 euros, et un supplément de 15€ par activité, les retraités de l’association bénéficient d’un large choix. «Je suis dans le cours intermédiaire normalement. Avec certains garçons, on vient à celui des débutants parce qu’il n’y a pas assez de cavaliers sinon» avoue Gérard. «Pendant les cours de première année, on s’ennuie un peu mais ça rend
service à Jacques. Il en est très reconnaissant». Le cours de niveau intermédiaire va débuter. Le soulagement se lit sur le visage des quelques hommes présents, Jean-Marie compris. «J’ai toujours aimé la danse et le rythme, mais c’est pas toujours évident. Surtout si on a une cavalière pas très douée» pouffe-t-il. «Dans le premier groupe, il y a quelques charrettes !».

Amandine Sanchez