Le projet de loi de Myriam El Khomri, la ministre du Travail provoque de vives réactions en raison des nombreux changements qui touchent directement la vie des actifs et des entreprises. Focus sur les points-clés de la réforme

« Hé Hollande ! Arrête tes Khomri » a-t-on pu lire sur de nombreuses pancartes lors des  manifestions du 9 mars contre la loi travail. Ce lundi, le Premier ministre Manuel Valls a dévoilé aux partenaires sociaux une version « corrigée » du projet contesté de réforme du droit du travail. Un projet alors édulcoré qui se veut être un « compromis ambitieux », dans le but d’obtenir le soutient des syndicats mécontents. Ces dernières décennies, à l’heure de la modernisation, de la croissance des services dans l’économie et de l’élévation des qualifications, ce projet se veut être le précurseur d’un nouveau modèle social, tant pour les entreprises que pour les salariés. C’est donc dans cette continuité que le projet de loi sur le travail souhaite donner au dialogue social une place plus importante dans la définition des règles sociales, pour que le pays passe enfin d’une culture de l’affrontement à une culture du compromis et de la négociation. Combiné au pacte de responsabilité qui fait baisser les charges des entreprises, ce projet de loi va également permettre de restaurer la compétitivité des entreprises.

Mais plus concrètement, que va changer cette loi pour les salariés et les entreprises ? Les actifs seront censés être mieux protégés et pourront bénéficier d’ici 2017 du CPA, compte personnel d’activité. Ce dernier rassemblera le compte personnel de formation, le compte personnel de prévention de la pénibilité et le compte engagement citoyen. A terme, c’est l’ensemble des droits sociaux et de la protection sociale qui y sera intégré. Mais ce n’est pas tout, le CPA, c’est également des droits à la formation renforcés pour les personnes sans diplôme et deviendra un instrument puissant de lutte contre les inégalités et de promotion sociale. Ils auront également le droit d’être accompagnés dans un projet de création ou de reprise d’entreprise, ainsi que de s’exprimer sur leurs conditions de vie au travail. Ainsi, les accords majoritaires deviendront progressivement la règle au niveau de l’entreprise : pour être valides, ils devront être signés par des organisations syndicales qui rassemblent plus de 50% des suffrages. Pour éviter les blocages, les syndicats représentant au moins 30% des salariés pourront demander une consultation des salariés par référendum pour valider les accords. Les actifs seront mieux représentés, informés et protégés en cas de licenciement.

Cependant, cette dernière mesure fait l’objet de vives critiques, et plus particulièrement sur le plafonnement des dommages et intérêts versés au salarié licencié abusivement. Le plafonnement des indemnités sera applicable en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et pourra être dépassé lors « d’une faute de l’employeur d’une particulière gravité ». Les juges ne pourront cependant plus prononcer des indemnités prud’homales proportionnelles à l’ancienneté. Le forfait-jours, régime dérogatoire aux 35heures qui permettait de rémunérer les salariés en fonction du nombre de jours travaillés par an et non en fonction des horaires hebdomadaires, est simplement abandonné.

Du coté du patronat, les entreprises pourront mieux adapter l’organisation du travail aux variations d’activité ou à des projets. Ainsi les dispositions du Code portant sur la durée du travail, l’aménagement et la répartition des horaires, le repos quotidien, les jours fériés et les congés, dans le respect de la durée légale des 35 heures ont complètement été réécrites. Les entreprises auront également plus de visibilité lors de l’embauche. Pour ce qui est des licenciements, le projet de loi introduit un barème indicatif des indemnités prononcées par les prud’hommes, dans le but de favoriser l’emploi dans les TPE et PME. Une définition du « motif économique » du licenciement a été précisée, afin de donner davantage de clarté aux règles applicables, en particulier dans les PME. Ainsi, le projet de loi étend le licenciement pour motif économique à la cessation d’activité de l’entreprise et à la réorganisation de l’entreprise en vue de la sauvegarde de sa compétitivité.

Cependant, à la suite de la présentation du texte corrigé aux partenaires sociaux, le patron du Medef Pierre Gattaz, estime que « la décision du gouvernement de rendre le plafonnement des indemnités prud’homales « indicatif » vide de sa substance le projet de loi. Ce qui nous ennuie considérablement, c’est le déplafonnement des prud’hommes, car sachez que c’est un élément important pour que les employeurs, notamment les plus petits, puissent relancer l’emploi ».

Le 17 mars l’Unef appelle encore une fois aux rassemblements étudiants et le 31 mars, d’autres grèves et manifestations pour le retrait du texte seront prévues avec, à leur tête des syndicats, des étudiants, des socialistes et des militants de gauche qui réclament le retrait pur et simple du projet. À l’opposé, le patronat refuse tout « lâcher prise » du projet. « Renoncer serait suicidaire », a pu exprimer dimanche le négociateur social du Medef, Alexandre Saubot.

Réponse le 4 avril : l’Assemblée nationale entamera l’examen du texte.

Manon Lepesme