L’ancien président du Brésil, dont la peine vient d’être alourdie en appel, a officialisé sa pré-candidature aux élections d’octobre 2018. Si la justice semble compromettre ses ambitions, « l’espoir du peuple brésilien* » continue de susciter attentes et admiration.

« Maintenant, je veux être candidat à la présidence » déclarait Luiz Inacio Lula da Silva, quelques heures après sa condamnation en appel le 24 janvier dernier. L’ancien chef d’État brésilien, reconnu coupable de « corruption passive » et « blanchiment d’argent », a été condamné à douze ans et un mois de prison par le Tribunal de deuxième instance de Porto Alegre. De quoi anéantir sa carrière politique ? Le créditant de 36% d’intention de vote, le peuple brésilien ne semble pas de cet avis. Plus encore, l’intégrité de la justice est remise en question. Pour Eugenio Aragao, ministre de la justice sous Dilma Rousseff « l’image de la justice est abîmée. Ce procès, rempli d’erreurs, est une aberration. Le juge Moro est devenu une superstar, il s’est prêté au jeu médiatique. C’est inconcevable ». Un recours va être déposé, pour éclaircir les faits à charge contre le  supposé candidat du Parti des Travailleurs (PT). Impliquant une suspension de la décision, cela permettrait au Tribunal Supérieur Électoral de valider ou non sa candidature aux élections présidentielles, qui se tiendront les 7 et 28 octobre 2018. Mais si l’avenir de l’ex-chef d’État brésilien reste en suspens, le soutien d’une partie du peuple semble quant à lui, bien ancré.

Possiblement écroués, toujours estimés

« Lula innocent ? Plus personne n’est innocent. Mais Lula est le seul qui aide le peuple ». Les mots de Deniset Ramos, agricultrice de 32 ans, traduisent la pensée de certains électeurs. Aveuglés par l’espoir ou désabusés par la réalité du système politique, nombre d’entre eux se disent prêts à fermer les yeux sur les accusations qui pèsent contre Lula, dans le viseur de la justice depuis quelques mois. À l’image du « père des pauvres », de nombreuses personnalités politiques continuent, après avoir été l’objet d’enquêtes ou de condamnations, à être plébiscitées. Conséquence du populisme, force de la désobéissance civile, attachement au programme davantage qu’à la moralité de celui qui le porte ? De multiples raisons peuvent être évoquées. En France, le candidat François Fillon a vu ses rêves présidentiels s’envoler après la révélation du « Pénélope Gate ». Mais de nombreux sympathisants républicains se disaient prêts à passer outre les enquêtes dont il était la cible. Le cas, plus récent, de l’ancien président de  la Catalogne Carles Puigdemont semble également témoigner de ce paradoxe. Réfugié en Belgique après avoir fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen pour rébellion, sédition, malversation, abus de pouvoir et désobéissance, il continue d’être soutenu et brigue un nouveau mandat. Mais s’il est coutume de considérer qu’en démocratie les représentants du peuple sont responsables devant eux, popularité n’implique pas impunité. Reste à savoir si la justice permettra à ces personnalités politiques, de répondre à l’appel des urnes.

* selon Claudir Nespolo, de la Centrale unique des travailleurs (CUT) de Rio Grande do Sul, syndicat lié au Parti des travailleurs (PT) de l’ancien président « C’est une affaire Dreyfus ! On ne condamne pas seulement Lula mais l’espoir du peuple brésilien ». Source : Le Monde.

Thémïs LAPORTE