Rencontre avec Bruno Ely, homme passionné et passionnant. Interview durant laquelle le directeur du musée Granet évoque les relations complexes mais essentielles entre l’art, le musée et les jeunes.

Avez-vous observé des évolutions dans le rapport des jeunes à l’art ?

« On pourrait dire qu’une certaine culture classique s’est perdue au fur et à mesure des années et des décennies. On a aussi une évolution dans la notion du musée telle qu’on l’entendait auparavant. Si la jeunesse a évolué, les musées ont évolué aussi. Depuis une bonne vingtaine d’années, et la loi l’a entériné en 2002, ils ont cette dimension de diffusion dans laquelle on prend en compte les publics. Qui dit publics dit bien sûr les jeunes publics, qui ont toujours été au cœur même de nos missions. Il faut savoir que les étudiants représentent aujourd’hui entre 10 et 15% de la fréquentation du musée Granet.

Pensez-vous que ce pourcentage soit encore trop faible ?

C’est beaucoup par rapport au constat qu’on a pu faire il y a quelques années où on considérait qu’à part le public « captif » du temps scolaire, on avait un déficit du jeune public.

Qu’avez-vous alors mis en place pour combler ce déficit ?

On a fait beaucoup de choses en recrutant notamment à plein temps cinq médiateurs qui s’occupent de l’accueil du public. Une médiatrice a plus particulièrement la mission de gérer les relations avec l’Université et les associations étudiantes. Dans des événements comme la nuit étudiante, ce sont nos cinq médiateurs qui s’investissent totalement. Cette soirée créé une proximité entre le monde universitaire et l’intérieur du musée. Ça sert à l’image du musée.

Quelle est la finalité d’un événement tel que la nuit étudiante ?

On a été à Aix les premiers à la mettre en place, en 1992. L’idée était d’accueillir les jeunes de façon originale à des horaires où l’on n’accueille plus dans les musées en général, de faire des propositions qui les intéressent en lien avec le musée. L’intérêt de ces démarches est de leur montrer qu’il n’est pas un lieu poussiéreux tel qu’ils pourraient l’imaginer. Il faudrait pouvoir dire et répéter que le musée est un lieu ouvert à tous, accessible et gratuit. Gratuit jusqu’à 18 ans et jusqu’à 26 ans quand on est étudiant. On ne peut donc pas alléguer que ce soit un problème financier. Lors de cette nuit, de 20h à 1h du matin, on arrive à avoir 1 500 à 2 000 personnes. On s’est aperçus que notre idée a fait des petits car il existe aujourd’hui une nuit européenne des musées.

Le choix de l’exposition « icônes américaines » du 11 juillet au 18 octobre 2015 se situe-t-il dans cette même optique, celle d’attirer un jeune public ?

Non, ce n’est pas notre motivation profonde en termes de programmation d’expositions. Mais il est vrai que savoir qu’une exposition comme celle-là peut attirer du jeune public est très important pour nous. Il y a des réalités qui font que certaines sont plus attirantes pour certains publics que d’autres. Icônes américaines qui part des années 1950 jusqu’à aujourd’hui va, j’en suis sûr, rajeunir notre public. Une fois que ce public est dans le musée, il le traverse avec ses collections permanentes. C’est une double découverte.

Justement, quelles découvertes le public pourra-t-il faire en visitant cette exposition ?

Il y aura des surprises, des chocs. Le public jeune va plutôt aujourd’hui vers l’art moderne et contemporain, Warhol ça lui parle. Mais qu’on ne s’y trompe pas, mêmes les œuvres de Warhol sont des œuvres sévères. C’est une réflexion sur le vedettariat, sur la société de consommation. Ce qui me passionne dans cette exposition c’est que c’est une leçon sur cette société consumériste, qui communique toujours plus mais sur des bases de moins en moins réflexives. Or des artistes comme Warhol, même s’ils peuvent avoir un côté clinquant, parlent d’une réalité sociale. Cette exposition permet d’analyser la création artistique inscrite à l’intérieur d’une dimension historique. »

Justine Lepeltier