Guy Willermoz s’occupe de la diffusion de la culture scientifique et des actions pédagogiques. Il était au centre de l’organisation de la fête de la science au Château de Cadarache le week-end du 8 et 9 octobre.

 La fête de la science a-t-elle été un succès ?

« Entre 2500 et 3000 visiteurs se sont rendus à la fête de la Science. Le public qui est venu, de tous les âges, ne connaissait pas ou peu le CEA Cadarache et ses partenaires. De plus, les parents d’élèves ont été agréablement surpris de retrouver aussi, parmi les exposants, des étudiants et des professeurs des collèges de Vinon-sur-Verdon et Le Luc. Ce fut un moment de partage très agréable et très positif. Le public est resté plusieurs heures sur le site pour profiter des ateliers et des 14 conférences, parfois même toute une journée, le samedi ou le dimanche.

Etait-ce la première fois que vous organisiez un tel événement ?

Le CEA Cadarache participe tous les ans à la fête de la Science mais n’est pas toujours organisateur. La dernière édition d’un « Village des Sciences » au château de Cadarache remonte à 2007. Néanmoins, en 2013, le CEA Cadarache a été l’organisateur du Village des Sciences à Manosque. C’est toujours un travail d’équipe avec les autres organismes de recherche. Cette année, nous sommes même allés encore plus loin dans cette co-organisation avec 4 « Villages des Sciences en Durance » connectés pour élargir les possibilités de rencontre avec le public. Cela nous ramène à des valeurs fondamentales de la science : le partage des connaissances et l’humilité. D’aucun peut prétendre résoudre seul les problèmes d’aujourd’hui. Encore moins ceux de demain.

Y avait-t-il un thème précis cette année ?

Le fil conducteur du village des Sciences était le temps, en faisant apparaître les échelles du temps de l’Univers, de la vie sur Terre et celle de l’Homme. Sur une durée finalement très brève, l’Homme par son activité, en relâchant notamment du CO2 dans l’atmosphère, modifie le climat. La question est de savoir si la vie sur Terre pourra s’adapter à ce bouleversement climatique rapide et comment faire pour limiter l’augmentation de la température moyenne sur Terre. Le Professeur Jean Jouzel, Prix Nobel en 2007 pour le GIEC, président du Haut Conseil de la Science et de la Technologie, a animé une conférence à ce sujet et a particulièrement bien mis en évidence ces enjeux.

Etait-ce aussi une occasion de faire connaître le CEA ?

Nous ne cherchons pas à faire connaître à tout prix le CEA Cadarache. Il est naturel de répondre aux attentes du public pour qu’il connaisse nos activités. A double titre. D’une part parce que le CEA Cadarache a un rôle majeur sur le bassin économique régional, et le Val de Durance en particulier. Mais aussi, d’autre part, en tant qu’EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial, NDLR) nous nous devons de transmettre à nos concitoyens les connaissances acquises au travers de nos recherches. On peut dire que cet objectif de transmission du savoir est inscrit dans l’ADN du CEA, dès ses origines.

Comment parvenir à transmettre, sans en même temps rentrer dans des détails scientifiques complexes ?

À la sortie de la 2nde guerre mondiale, et après une longue période d’obscurantisme, la transmission de la culture scientifique était un objectif clair pour nos fondateurs comme Frédéric Joliot. Et avant même la création du CEA, Marie Curie recevait dans son laboratoire des écoliers, petits scientifiques en herbe. Notre mission est aussi de créer des vocations pour les générations futures. La science est un facteur de progrès par l’acquisition des connaissances. C’est aussi un élément indispensable pour notre économie.

Le nucléaire semble être un sujet compliqué à aborder, parfois même « tabou », adoptez-vous une méthodologie particulière pour en parler ? 

Dans un contexte de débat citoyen sur l’énergie, il est indispensable d’apporter des éléments factuels et rationnels. Le CEA fait des recherches sur l’ensemble des énergies bas carbone, le nucléaire en fait partie avec les énergies renouvelables. Il y a toujours un bon accueil du public lorsqu’on explique, dans un débat dépassionné, les enjeux de l’énergie et les solutions possibles. La meilleure méthode est la transparence en apportant des éléments factuels. Nous nous situons sur l’axe scientifique et seulement sur celui-ci. Le public peut alors se forger une opinion en toute connaissance de cause.

Alors que l’avenir du nucléaire semble parfois menacé, le CEA ne devrait-il pas s’axer définitivement sur les énergies renouvelables, comme il a déjà commencé à le faire ? 

Avec le choc pétrolier de 1974, l’objectif d’indépendance énergétique de la France a été renforcé et s’est ouvert aux autres sources d’énergie que le nucléaire. En particulier, le CEA travaille depuis les années 1980 sur les énergies solaires. Et en 2009, à la demande de la présidence de la République, le CEA a changé son nom en « Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives ». Aujourd’hui pour 1 euro investi dans la recherche pour le nucléaire, 1 euro est investi dans la recherche sur les énergies renouvelables (solaire, biocarburants de 2nde et de 3ème génération). Le CEA est aussi investi dans la recherche pour la RT2020 (Règlementation Thermique) avec des bâtiments à énergie positive.

Quel est l’avenir du CEA concernant le réchauffement climatique ? Comment peut-il participer à l’effort mondial ?

Dans le contexte où les énergies carbonées (pétrole, charbon, gaz), émettrices de gaz à effet de serre, sont à limiter fortement, nous ne pouvons pas écarter d’un revers de main une solution ou une autre. L’objectif est de développer un mix énergétique en utilisant les qualités de chacune. Cela passe par la prise de conscience actuelle du réchauffement climatique, dont la COP21 marque un virage ; mais aussi par l’évolution démographique et les besoins énergétiques croissants au niveau mondial. Même si nous devons rationaliser la consommation en évitant le gaspillage énergétique, nous nous devons d’inventer des solutions adaptées à chaque situation. Aussi, le CEA a un bel avenir afin d’innover et apporter des solutions durables pour l’énergie. On peut le dire avec encore plus de confiance après la fête de la Science où l’on a vu briller les yeux de beaucoup de jeunes, déjà passionnés par les sciences. Nous les sentons motivés pour relever les défis de demain et nous ferons tout pour leur transmettre le maximum d’outils et de connaissances. C’est notre devoir.

 

Xavier Ponroy