Sur 15 adolescentes interrogées, 8 d’entre elles avouent vouloir devenir « blogueuses » ou « instagrameuses». Mais qu’est-ce qui attire les jeunes filles dans ce phénomène à la mode ? Comment faire pour percer sur la toile? Décryptage de ce phénomène avec les influenceuses locales qui cartonnent sur Aix et Marseille.

« Quand je serai grande, je veux être blogueuse mode». C’est ce qu’avait déclaré Victoire, ma petite cousine de 7 ans, à son institutrice le jour de la rentrée. A la place de la maîtresse d’école, j’aurais éclaté de rire. Mais sous cette déclaration innocente, une vérité : la mode du blog est très ancrée dans nos sociétés, chez les filles surtout, même si quelques garçons commencent à émerger sur les réseaux.

Avoir son blog, ce n’est pas nouveau. Les 20/30 ans ont tous le souvenir de la période des bienheureux skyblogs, les ancêtres des réseaux sociaux. C’est la plateforme skyrock qui hébergeait gentiment ces merveilles du net. Sur le mien on pouvait y lire en présentation « coucou, voici ma vie ». Je déclarais mon amour à mes amies avec des poèmes qui n’étaient pas de moi, je postais des photos de mon quotidien, de mon chien, de mes loisirs et surtout de ma passion : la gymnastique rythmique. J’avais même un deuxième skyblog consacré exclusivement à ce sport et ses actualités. C’est  lui qui a fini par s’imposer sur le net plutôt que le premier avec les photos de mon chien.  Finalement, avec Instagram, rien n’a changé si ce n’est la naissance d’une nouvelle catégorie de personnes : les influenceurs ! Ils sont beaux, ils sont stylés, toujours aux bons endroits et leurs vies semblent idylliques quand on consulte leurs publications.

Une petite entreprise qui ne connait pas la crise

Ce qui attire chez les influenceurs, c’est souvent « les photos de mode, les partenariats avec des marques de luxe et les invitations aux  événements privés et  défilés», témoigne Chloé, 15 ans en me montrant le compte Instagram de Chiara Ferragni. Elle passe des journées sur le compte de la blogueuse italienne suivie par 15,3 millions de personnes. Grâce à des partenariats avec de grandes marques, chacun de ses posts peut lui rapporter plus de 5000 dollars. Sa société, The Blond Salad, est  estimée à 7 millions de dollars. Mais à l’origine, la Salade Blonde, c’était un blog. Les ingrédients de ce succès : de la mode, de l’art de vivre, et une ligne éditoriale bien rodée avant d’en arriver à des posts sponsorisés. Mais sur les millions de jeunes filles qui se lancent, quelle est la recette pour sortir du lot ? A défaut d’avoir pu rencontrer la célèbre italienne, j’ai creusé la question avec nos étoiles locales à nous. Ironie du sort, elles sont blondes, elles aussi. Mais les deux insistent, « c’est énormément de travail ». Être blonde, belle et avoir du goût ne suffit pas.

L’italienne Chiara Ferragni prend la pose en Chanel pour alimenter son compte Instagram.

On ne nait pas instagrameuse, on le devient 

Tout d’abord, il faut trouver un concept novateur, comme c’était le cas il y a 7 ans  pour Elodie Van Zele et son blog www.chutmonsecret.com. L’ancienne journaliste de 47 ans a été la première à se lancer dans le partage de bonnes adresses et de sorties marseillaises : « je descendais de Paris et je ne connaissais personne. En cherchant des bons plans pour moi et des lieux uniques, j’ai eu l’idée de créer ce blog ».  Elle est désormais incontournable dans la cité Phocéenne. Les articles sont bien écrits et elle effectue un véritable travail de reportage. De plus, elle a une identité sur la toile avec un logo et une charte graphique cohérente. Comme une marque que la marseillaise branchée incarne. Il en est de même pour son homologue aixoise, Alizée Chanoux. Avec www.lamodeaixoise.com, l’ancienne communicante de 29 ans « promeut sa ville d’amour ». Sur les photos, elle ne se montre qu’à moitié. « Je veux surtout axer sur la ville et pas sur moi », confie-t-elle.

Capture d’écran du compte Instagram « lamodeaixoise » avec sa créatrice sur la place d’Albertas.

Plus tard, l’essor d’Instagram a propulsé les deux blondes : « grâce à l’application, j’ai ciblé un public différent de celui qui lisait mon blog avant, c’est-à-dire les bobos de 30 ou 40 ans », plaisante Elodie. « Maintenant, je vois que des plus jeunes me suivent et qu’Instagram est devenu  plus important que le blog. Ce sont les stories qui font tout ». Les stories, ces petites publications au caractère éphémère, dont je suis moi-même adepte voire accro, permettent de hiérarchiser les informations. On pourrait dire que c’est l’équivalent d’une brève journalistique. On peut partager un événement en direct, une information plus secondaire qui ne nécessite pas un post, annoncer quelque chose ou encore  prendre le terme story  au sens littéral. C’est-à-dire raconter une histoire qui se déroule sur plusieurs épisodes. Mais comme sur un blog, le mieux est de respecter une charte graphique précise et un code couleurs à chaque post. « C’est ton identité, ta patte à toi », explique Elodie.

Quoi qu’il en soit, Elodie et Alizée ont réussi à surfer sur la tendance. Si elles ne vivent pas directement de leurs publications, elles savent les utiliser. « Je suis créatrice de bijoux. Mon blog m’a fait connaître et j’ai pu lancer mon e-shop », avance Alizée. Elodie a tout de suite compris que son blog pouvait être une carte de visite : « grâce à lui, j’ai eu régulièrement des missions dans la région et j’ai pu me lancer en tant que journaliste freelance ». De plus, en partageant l’histoire de la maison provençale qu’elle a rénovée, la Madissa, elle s’est imposée comme décoratrice. L’enseigne parisienne du Bazar de l’Hôtel de Ville (BHV) l’a même contactée pour signer une collection.

J’avais donc tort de rire du projet professionnel de ma petite cousine. Son institutrice devra lui expliquer que l’idée n’est pas stupide. A condition de bien s’en servir !

Megan Arnaud