Le 21 avril 2002, Jean-Marie Le Pen accède au second tour de la présidentielle à la surprise générale. 15 ans plus tard, la présence de sa fille au même stade de l’élection ne semble pas faire de doute. Mais l’extrême-droite a-t-elle une réelle chance d’accéder au pouvoir ? Décryptage.

26%. C’est le chiffre des intentions de vote pour Marine Le Pen selon un dernier sondage Ifop. La candidate du Front National devancerait Emmanuel Macron (20,5%) et François Fillon (17,5%), toujours empêtré dans le scandale du “PenelopeGate”.

Sur Europe 1,  le politologue et directeur adjoint de l’Ifop, Frédéric Dabi a réagi. Pour lui, la force de Marine Le Pen réside dans sa capacité à mobiliser ses électeurs. En effet, 85% des personnes interrogées comptant voter pour la Présidente du Front National se disent sûrs de leurs choix. Chez les principaux concurrents de Marine Le Pen, la part des indécis est beaucoup plus élevée. La base électorale de la candidate de “au nom du peuple” constitue donc une de ses principales forces. Néanmoins, est-ce suffisant pour peser au second tour de la présidentielle ? Pas si sûr.

Pour pouvoir gagner, chacun des candidats doit mettre en perspective sa capacité à rassembler, et c’est à cette étape que ça se complique pour Marine Le Pen. Si la candidate atteint le second tour comme en témoigne les divers sondages, elle devra faire face au traditionnel “front républicain” qui consiste à soutenir l’autre bord politique pour faire barrage à l’extrême-droite. Consciente de cette faiblesse, Marine Le Pen a effectué dimanche dernier un geste assez rare pour être souligné. Une main tendue vers la droite en la personne de Henri Guaino et Nicolas Dupont-Aignan. Son but est simple, rassembler tous les “patriotes” derrière elle pour avoir une chance de gagner l’élection.

Et les affaires du Front National dans tout ça ?

Les différents scandales sur François Fillon révélés par le Canard Enchaîné ont mis au second plan les affaires du Front National. Le parti est en effet accusé d’avoir mis en place un système de surfacturation pendant les législatives de 2012. Si la justice poursuit son enquête, le Front National est également inquiété par le Parlement européen. Selon l’AFP, une information judiciaire a été ouverte mi-décembre pour abus de confiance et recel, escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux et travail dissimulé. Ce que l’on reproche au parti est simple: avoir recruté deux assistants parlementaires accrédités au Parlement pour les faire travailler uniquement pour le Front National. Montant de l’éventuelle fraude : plus de 300 000 euros.     

L’organisme anti-fraude de l’Union Européenne, l’Olaf, exige que l’ensemble des assistants parlementaires travaillent dans l’un des trois lieux du parlement, Bruxelles, Strasbourg ou Luxembourg. Pour Catherine Griset, une des assistantes de Marine Le Pen, ce n’était visiblement pas le cas.

Mais contrairement à François Fillon, les affaires qui collent aux basques de Marine Le Pen ne semblent pas avoir de conséquence sur sa campagne. Depuis les révélation de l’UE, la candidate est toujours stable dans les différents sondages. Son électorat étant majoritairement anti-européen, il est donc logiquement moins sensible à ce type d’affaire. L’affaire de Bruxelles ne fait au contraire que renforcer cette volonté d’indépendance nationale chez les partisans du FN.

Une victoire impossible quelque soit le candidat du second tour ?

Les chances de victoire de Marine Le Pen à l’élection présidentielle varient incontestablement selon son adversaire au second tour. Selon un sondage Opinionway publié lundi, en cas de second tour Macron/Le Pen, le candidat du mouvement « en marche ! » l’emporterait avec 63% des intentions de vote. Si c’est Fillon, l’écart se ressert mais le candidat des Républicains gagnerait tout de même avec 58% des suffrages. Il est néanmoins nécessaire de prendre ce sondage avec des pincettes. Si l’élection présidentielle est dans moins de 70 jours, les lignes peuvent encore bouger. Il n’est pas exclu, en cas de victoire de Macron, de voir une partie de la « droite de la droite » se rallier à Marine Le Pen. Le score de Nicolas Dupont-Aignan sera également très attendu, car l’électorat de « Debout la France » et du FN est extrêmement proche. Pour l’instant le candidat est crédité de 2% des intentions de vote.

Tout à gauche, le vote ouvrier risque également de faire la différence. En cas de duel avec Macron ou Fillon, cet électorat se rapproche d’avantage de Marine Le Pen sur les questions purement économiques.

Si les sondages donnent tous Macron et Fillon en deuxième et troisième positions, il ne faut pas oublier Benoît Hamon. Le vainqueur de la primaire de la Belle Alliance Populaire a su se démarquer avec sa proposition phare, le revenu universel. Sur une bonne dynamique, le candidat PS a également souhaité rassembler en dehors des lignes du parti, en courtisant activement Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot. En cas d’alliance entre ces trois hommes, impossible de mettre en perspective un  quelconque résultat face à Marine Le Pen.

A deux mois du scrutin, cette présidentielle est sans doute une des élections les plus imprévisibles de l’histoire de la Ve République. Entre surprise et rebondissement, une victoire de l’extrême-droite au second tour semble utopique… et pourtant, pas totalement impossible.

Jordan Piol-Speranza