Le samedi 2 novembre à Strasbourg, la rédaction de Charlie Hebdo s’est réunie au complet face au public, pour la première fois depuis l’attentat de 2015. L’événement « Charlie Hebdo libère Strasbourg » a introduit la 8ème édition du forum mondial de la démocratie à l’Opéra du Rhin. 

« Comme vous pouvez le voir, Charlie est vivant, avec une équipe jeune et renouvelée. » lâche Riss dés le début de la rencontre. Presque au complet, l’équipe de Charlie et divers intervenants se succèdent autour de « tables rondes » pour aborder des sujets aussi vastes que la liberté de la presse, le journal d’opinion ou la caricature. Un tonnerre d’applaudissements et une foule à moitié debout accueillent la rédaction. Tout le temps de la rencontre, les dessinateurs usent de leur coup de crayon pour faire défiler sur un écran géant des dessins piquants et satiriques.  Preuve de leur marque de fabrique, Coco, Juin, Vuillemin ou Miche provoquent, par leurs esquisses, éclats de rire et choc.  Les références aux attentats restent nombreuses. « Vous êtes toujours Charlie à Strasbourg ? » martèle le premier dessin, sur lequel on devine un terroriste dans l’Opéra du Rhin.  Mahomet n’est pas en reste, représenté par Coco avec un bretzel sur la tête, pour faire écho à la ville alsacienne. Le choix de la capitale du Grand Est n’est pas anodin. Tout comme la rédaction, la ville a été meurtrie par une attaque terroriste un an plus tôt. Les dizaines de policiers et militaires devant l’édifice rappellent la menace qui pèse toujours sur les journalistes.

Outre les dessins, Charlie Hebdo et son équipe renouvelée ont rappelé la place essentielle du journalisme d’opinion et satirique dans le monde d’aujourd’hui. Le « pas de côté » qu’ose le journal, à travers des angles originaux et des dessins acerbes, renvoie paradoxalement à la timidité grandissante des médias traditionnels. L’humour. Pour Yannick Haenel, c’est ce qui différencie Charlie de ses confrères. Selon le romancier et journaliste, l’humour incarne la liberté et représente le meilleur moyen de s’exprimer. La subversion et la transgression permettent d’affronter la « connerie internationale » qui sévit. Charlie ose, agace, emmerde. « Journal irresponsable », il éclaire les travers et discours mis sous silence. Inna Shevchenko, militante ukrainienne des femens, présente lors du rassemblement, insiste sur le danger de ce silence. Symbole de peur, il reflète le malaise dans nos sociétés. « Est-ce que vous pouvez citer un seul pays où la population souffre d’un excès de liberté d’expression » interroge Inna, raflant une ovation généralisée du public. Les spectateurs se sentent privilégiés face à cette rédaction de survivants, plus motivés que jamais. A la fin de l’événement, certains peinent à retenir leur émotion lors de l’énumération des noms des victimes de l’attentat du 7 janvier. Cabu, Charb, Honoré, Tignous, les noms résonnent tandis qu’un frisson parcours la salle. Suivi quelques secondes plus tard d’applaudissements sans fins et de cris de soutien. Charlie est toujours là, les Strasbourgeois aussi. A leurs côtés.

Iris Bronner