A la tête d’une exploitation agricole familiale depuis plusieurs générations, ce paysan n’a jamais rêvé mieux qu’une vie de forain, entre champs et marchés.

Il sert les clients sans répit, recharge les caisses vides, salue les habitués. Comme tous les jours, Patrick fait partie des forains qui ont investi la Place Richelme pour le marché. Comme tous les jours, il s’est levé à quatre heures du matin, et a pris la route du centre-ville. A cinq heures, il a débuté l’installation de son étalage afin d’être opérationnel à huit heures. Pourtant, la fatigue ne se lit pas sur son visage. Dix heures sonnent, et le marché bat son plein pour lui.

Patrick exerce la profession de maraîcher. Aujourd’hui, il dirige l’entreprise familiale de production de légumes. Le tutoiement s’impose immédiatement et naturellement, comme une marque d’intimité. Cette proximité, il la tisse facilement avec ses clients et les gens qu’il rencontre. Elle illustre la simplicité et l’humilité de ce grand homme. Ses cheveux poivre et sel le situent entre deux âges. « Aujourd’hui, mes parents sont en retraite depuis plusieurs années, mais ils donnent encore un coup de main. Paysan, c’est une passion, on nait paysan, on ne le devient pas. J’ai deux fils, le plus grand a essayé mais ce n’est pas son truc. Petit, le plus jeune était toujours avec moi, il est né paysan celui-là. Maintenant, il a 25 ans et il travaille dans le domaine ».

Son terrain s’étend sur une vingtaine d’hectares. Il se situe aux Milles, près du centre-ville d’Aix-en-Provence. Il s’agit d’une exploitation de taille intermédiaire pour le secteur des petits producteurs. Il sait que la proximité avec un espace de vente directe demeure une chance dans son métier. « Je préfère faire le marché tous les jours. C’est plus rentable et je rencontre mes clients. Les grandes surfaces ne m’intéressent pas, tu n’es pas libre avec eux. » Ses parents et ses grands-parents ont toujours fait sans, alors lui et son fils continueront ainsi.
Il insiste sur l’importance de la fraîcheur des produits. Il observe depuis quelques année une évolution de la clientèle. Il voit plus de jeunes. « Déjà c’est moins cher qu’ailleurs dans les magasins. Ensuite, c’est frais, c’est du circuit court, ça traîne pas : cet après-midi je ramasse pour demain. Je peux pas mieux faire. »

Quand on lui parle des difficultés de son métier, de la météo parfois peu clémente, des vacances absentes, il répond avec un grand sourire: « si les vacances ça me manquaient, j’aurais fait un autre métier. Quand tu fais ce métier tu sais que tu n’as pas tout ça. Notre seul chef, c’est le temps .»
Patrick prend beaucoup de recul sur sa vie, et relativise volontiers. Il croit en l’avenir de l’agriculture. Enfin, en ce qui le concerne. « Je vends au détail, alors je m’en sors. Pour les plus gros, c’est plus dur. » Il avoue ne pas spécialement connaître le reste. Mais dans le cas de l’élevage, il sait que les agriculteurs rencontrent beaucoup de difficultés avec le lait et la viande. Selon lui, dans le secteur agricole, les domaines viticoles sont ceux qui s’en sortent le mieux.
Si on lui demande s’il reste heureux malgré tout, il rigole et lance :« ah bah oui, ça je suis heureux oui . Tu nais paysan, tu le deviens pas. Je me dis qu’il y a toujours pire et voilà. » insiste-t-il une nouvelle fois. Le maraîcher paraît très heureux dans sa vie, et il semble vouloir en changer pour rien au monde.

Louis-Guillaume Fèvre